la démarche

Docu­men­taire au théâtre

ou com­ment jouer du réel dans l’épique

 

Une démarche docu­men­taire dans le théâtre des frères Pablof, qu’est-ce que c’est ?

demarche

C’est une manière de croi­ser des réa­li­tés, vécues ou signi­fiées, de faire dia­lo­guer sur un pla­teau de théâtre de vrais témoi­gnages (audio ou vidéo) avec les outils de la fic­tion, du théâtre de marion­nette, d’objet et de figure.

Chaus­ser un point de vue, des lunettes de myopes ou de pres­bytes, des lunettes en relief, une lunette pano­ra­mique et regar­der ses pieds : c’est déjà une démarche docu­men­taire, c’est sou­mettre « la réa­li­té » à « la sub­jec­ti­vi­té ».

Les frères Pablof s’invitent à pen­ser ce qu’ils sont et ce que nous sommes avec d’autres per­sonnes. Depuis dix ans en quête d’eux-mêmes, ils inter­rogent des qui­dams (vous, nous) sur leurs iden­ti­tés.

Pour Extraits de nais­sance, ils ont deman­dé à des per­sonnes de s’asseoir dans un « espace d’intimité publique » et de racon­ter leur nais­sance ou du moins une anec­dote s’y rap­por­tant. Une façon de dire sa petite mytho­lo­gie.

Pour Si j’étais une fille, ils ont convié des hommes à répondre en tête à tête à la ques­tion sui­vante : « si tu avais été une fille qu’est-ce que cela aurait chan­gé à ta vie ? ». Une manière pour eux de se racon­ter, d’essayer de dire ce qu’est être un homme aujourd’hui.

Dans La cour des grands, ils ont vécu 4 semaines dans une école élé­men­taire. En plus d’user deux paires de bas­kets à la marelle, de perdre 3 bal­lons de foot et de consom­mer 124 caram­bars, ils ont regar­dé les enfants pous­ser sur le bitume, loin de l’adulte. Ils se sont deman­dés avec eux qu’est-ce que gran­dir ?

Dans leur démarche docu­men­taire, ils viennent sai­sir l’anodin, cap­ter l’ordinaire tout en tra­quant la sin­gu­la­ri­té. Tout ce qui en cha­cun de nous est pas­sé sous silence, nous n’avons pas si sou­vent l’occasion de nous dire. Ils ont le sou­ci de faire dia­lo­guer les récits de cha­cun, nos petites mytho­lo­gies. A par­tir de ce vécu, de la qua­li­té de l’échange et de l’émotion par­ta­gée, ils fabriquent leur théâtre : un théâtre de marion­nette.

Le théâtre de marion­nette, d’objet ou de figure se prête par­ti­cu­liè­re­ment à ces che­mi­ne­ments, d’un récit à l’autre, d’une forme à l’autre. Il per­met à la fois le grand angle et le plan rap­pro­ché, dès fois même le gros plan et tout ça de manière suc­ces­sive ou simul­ta­née. C’est cette façon de racon­ter, d’arpenter dif­fé­rent récits, dif­fé­rents registres qui met en regard ce que les frères inventent et ce que les gens leurs racontent.

Ils font inter­ve­nir sur le lieu de l’illusion des objets, des sons, des témoi­gnages qui nous semblent plus réels parce qu’ils nous sont plus fami­liers, parce qu’ils appar­tiennent à notre réa­li­té quo­ti­dienne, hors du théâtre. Ils fabriquent des « effets de réel ». C’est bien dans la dis­tance entre ces deux per­cep­tions que les frères Pablof cherchent une cer­taine forme de poé­sie. Les frères Pablof sont de grands myopes. Inquiets de leur per­cep­tion, ils la mettent au tra­vail avec nous, lors de la repré­sen­ta­tion, mais aus­si tout au long de la créa­tion.

Dans ces vrais-faux docu­men­taires, de réa­li­tés fabri­quées en fic­tions réa­li­sées, les frères Pablof, marion­net­tistes, mani­pulent notre per­cep­tion du réel et nous laissent entre­voir, ima­gi­ner ou remé­mo­rer notre monde.

Nous sommes au 21e siècle, les frères Pablof ont déci­dé d’éprouver la réa­li­té vir­tuelle ou la vir­tua­li­té du réel, la réa­li­té 2.0, le réel aug­men­té.