Sauvage

Sauvage

Depuis plus d’un an nous questionnons le verbe habiter dans le projet Que notre joie demeure. Par définition et aussi en pratique, habiter désigne un espace domestiqué, à la main de l’humain, organisé selon son usage. On nous a raconté des dizaines de façons de négocier cet espace, parfois avec des noms humains, des animaux, domestiques ou non, des plantes, sauvages ou non.

Nous avons recueilli plusieurs témoignages dont celui de Bruno, un habitant de Lescun, un village au bout de la vallée d’Aspe. Il est venu s’y installer à la retraite après avoir passé toute sa vie à Bordeaux. La difficulté pour Bruno n’était pas de quitter ses habits de rat des villes pour enfiler ceux de rat des champs, de rejoindre la « diagonale du vide », son combat, c’était de préserver un espace maîtrisé pour son potager ; de lutter jour après jour contre les ronces et la forêt, contre « l’ensauvagement » de son jardin.

Le sauvage désignait donc ce qui n’est pas domestiqué, pas cultivé, ce qui est spontané, loin de la main de l’homme. Bref ce qui n’est pas habité par l’humain.

Puis dans un tout autre contexte, Emmanuelle, océanographe, spécialiste de l’Antarctique a répondu à la même question. Elle travaille à la station météorologique marine de Dinard. Elle aussi nous a parlé du monde sauvage et contrairement à Bruno de son désir d’ensauvagement de son jardin, de sa nécessité à composer avec le vivant, à partager ses fruits avec les oiseaux…

Bref depuis l’habitat, ces deux exemples ,(ils ne sont pas les seuls), nous ont donné l’envi d’interroger notre rapport intime avec le mot sauvage, avec le monde sauvage. Mais avec un monde sauvage voisin de notre quotidien. Nous voulons glaner des histoires de chasse aux champignons, de sangliers dans le jardin, de pies voleuses, d’araignées dans nos bottes, d’invasion de fourmis, de piqure de guêpes, de cerf dans la ville, de ragondin dans le jardin, de partie de pêche et de serpents endormis sous les pierres du chemin.

C’est notre rapport au monde vivant que nous pensons mettre sur la table, évoquer nos peurs, notre fascination, notre amour, notre curiosité ou notre colère, en interrogeant des personnes, spécialistes ou non. Un aller-retour entre le commun, le scientifique et le fantastique.

Nous démarrons ce projet avec le TRIO’s, le Théâtre du Blavet, dans le quartier de Keriway à Hennebont. Nous participerons à la fête de quartier le 14 septembre avec notre spectacle des châteaux en Espagne. Nous irons à la rencontre des vivants humains avec l’association Cordée cordage et nous imaginerons d’autres temps pour la rencontre.