Enfance

Mon tra­vail d’artiste a tou­jours été connec­té de près ou de loin avec le jeune public.

Deux auteur.es ont été pri­mor­diaux dans cet aspect de mon par­cours : Fré­dé­rique Nio­bey (roman jeu­nesse) et Syl­vain Levey (théâtre jeu­nesse).

Ado­les­cente j’ai joué sous la direc­tion de Fré­dé­rique Nio­bey dans des créa­tions qui était des­ti­nées au jeune public, adap­ta­tions d’albums ou romans jeu­nesse dont la diver­si­té et l’audace mon­taient en flèche dans ces années-là 90.

Quand je suis arri­vée à Rennes, j’ai atter­ri au Théâtre du Cercle qui était à cette époque co-diri­gé par Syl­vain Levey. Ce der­nier était dans une démarche mili­tante de la lit­té­ra­ture théâ­trale jeu­nesse en pleine émer­gence. Avec une équipe de jeunes acteurs, nous avons été ses pre­miers lec­teurs et cobayes, et à ses côtés de fer­vents défen­seurs d’un théâtre joué par les enfants pour tout public, culot­tés, auda­cieux.

​​​​​​​​Dix années de col­la­bo­ra­tion étroite avec le Théâtre Lil­li­co, scène conven­tion­née Art enfance et jeu­nesse à Rennes, m’ont per­mis de réflé­chir et d’affirmer un réel désir de créer des spec­tacles qui soient à des­ti­na­tion de tous les publics aus­si bien enfants qu’adultes. J’ai par­ta­gé avec Chris­telle Hunot et son équipe des échanges de fond. D’une cer­taine façon, j’ai mili­té auprès d’elle pour un théâtre ouvert à tous, quel que soit l’âge, le milieu social, l’expérience théâ­trale, et j’ai par­ta­gé les choix artis­tiques du lieu sur des formes artis­tiques auda­cieuses et intel­li­gentes.

​Mon tra­vail s’oriente natu­rel­le­ment vers le jeune public, c’est un public qui me fait tra­vailler, me ques­tionne, et me secoue. Je veux pro­po­ser des spec­tacles qui nous parlent à tous, petits et grands et que les dis­cus­sions s’ensuivent entre géné­ra­tions. Aller vers le jeune public, c’est une vraie démarche, un public qui fait se poser des ques­tions sur dif­fé­rents aspects (du pro­pos, trans­mis­sion, esthé­tique, du rythme), c’est aus­si un public qui réagit sans filtre, là où les adultes ont une forme de réserve, ou de consen­sus. Le public enfant ne fait pas de quar­tier et impose une ambiance un peu plus anar­chique dans une salle de spec­tacle, que j’apprécie par­ti­cu­liè­re­ment. J’aime que les publics soient mélan­gés pen­dant le spec­tacle. Je trouve que ce mélange fait un public authen­tique.

L’enfant est sou­vent au centre des fic­tions qui sont au cœur de mes spec­tacles, il en est sou­vent le héros. Il porte en lui ce que l’on a tous : l’état d’enfance. Il m’offre la curio­si­té et la dis­tance suf­fi­sante pour inter­ro­ger le monde. Les textes que je choi­sis ne sont pas tou­jours écrits spé­ci­fi­que­ment pour le jeune public, ce qui m’intéresse c’est de trou­ver le che­min vers le jeune public.

Syl­vain Levey dit que les per­son­nages clefs de ses textes pour la jeu­nesse ont deux âges, l’enfant et l’adulte s’emmêlent.

Je par­tage ce flou aus­si bien dans l’identité du per­son­nage, que dans la ques­tion du pro­pos, thème ou ques­tion­ne­ment intel­lec­tuel, voire même du lan­gage je pense que le spec­tacle et l’art en géné­ral doit dépas­ser cette réa­li­té concrète de la limite. Par exemple, je pré­fère envi­sa­ger un per­son­nage sous la forme d’une figure théâ­trale et de son poten­tiel évo­ca­teur au même titre que le sont les figures mytho­lo­giques.

Dans ma der­nière créa­tion, j’ai convié San­drine Roche dont l’é­cri­ture est elle aus­si à lisière de tous les publics du plus novices au plus aguer­ris. Se dégage de ses textes, une vita­li­té débor­dante, une pro­fon­deur du pro­pos, une forme unique alter­nant entre un récit clas­sique, et poé­sie sonore pétillante.

La ques­tion de l’accessibilité est une autre ques­tion, dans mes deux pre­mières créa­tions j’ai sug­gé­ré un âge seuil, car j’avais obser­vé qu’en des­sous de 8 ans une par­tie du public, n’avait pas accès au rai­son­ne­ment com­plet que pro­po­sait le spec­tacle, mais fran­che­ment je trouve que c’est com­pli­qué de poser moi-même ce cur­seur. Cela fait par­tie des rai­sons pour les­quels j’adresse mon tra­vail à des lieux qui me semblent par­ta­ger des valeurs de fond sur cette ques­tion-là, et qui sont de bons conseils à ce sujet.

En novembre 2020, j’ai inté­gré le labo­ra­toire de recherche Figure / Temps fort petite enfance mené par Lil­li­co. Cette expé­rience m’a nour­rit sur la ques­tion de l’accessibilité à l’art pour tout le monde, dès le plus jeune âge. Pour moi, il s’agit de trou­ver un juste équi­libre entre mes aspi­ra­tions artis­tiques, et la rela­tion qui va s’ins­tau­rer entre mon tra­vail et le public. C’est sou­vent au cours de la créa­tion, à l’oc­ca­sion de ren­contres que le cur­seur se pose, ain­si qu’à à chaque repré­sen­ta­tion avec le public en pré­sence.

 

cré­dit pho­to : fan­ny bouf­fort