Chut

Chut

En juillet, au cours de nos résidences d’écriture nous avons choisi le titre du deuxième volet de la vie en ligne. « eX-time ». Il faut le prononcer à la française, ce n’est pas un anglicisme, c’est une façon de parler de l’intimité partagée.

La résidence au collège Angèle Vannier, longue de 4 semaines de novembre 2015 à mars 2016, a construit une relation privilégiée avec la classe de 4B et la classe UlIS. Témoignage de madame Strohelou professeur de Français :

« Raoul et Stéphane reviennent après une longue absence ; atmosphère brouillonne, bavardages revendiqués dans la salle de ceux qui ont envie d’être là où on ne les attend pas. Envie d’être et de le manifester ! Raoul et Stéphane patientent. Je hausse le ton. Ils mesurent le poids du groupe mais restent patients.
Raoul à la technique, Stéphane face aux ados. L’un prépare, l’autre donne les consignes. Le lendemain c’est peut-être l’inverse. Peu importe, l’équilibre se fait sans tâtonnement, sans interrogation. Ils sont comme deux doigts de la même main : ils n’ont pas besoin de se raconter.
Il y a des artistes qui se savent artistes et aiment bien le rappeler, des fois que les autres l’oublieraient. Raoul et Stéphane eux se glissent dans le groupe. Étonnamment, on a le sentiment qu’ils sont là depuis toujours, ils ne prennent pas de place dans le sens où ils ne posent pas. C’est leur enseignement qui est au centre, pas eux !
Manipulation de marionnettes silencieuse. Concentration. Souplesse. Effacement. Pas facile pour les élèves de faire vivre la marionnette : ce qui semblait si simple quand Raoul et Stéphane étaient aux commandes s’avère compliqué. L’apprentissage se fait doucement. On commente le travail des autres, toujours dans le respect de l’élève. En dehors des cours, Raoul et Stéphane parlent des élèves. Ils sont attentifs à tout : leurs aptitudes, leurs difficultés, leurs progressions. Ils sont venus pour travailler avec eux. Ils ne se servent pas d’eux, ils partagent une aventure dont la matière permettra de réaliser une œuvre artistique : une façon formidable de les regarder vivre, de donner du sens à la vie, de leur rendre hommage.
Raoul donne une consigne d’écriture. Quelques questions sont formulées après un temps de silence. Il faut redire, rassurer aussi. Chacun sait qu’ici on ne peut pas tricher, on ne peut pas faire semblant. Il faut reconstituer un autre présent, le laisser s’animer. C’est plus facile à dire qu’à faire. Certains sont fâchés avec les mots depuis longtemps. Les phrases ne se laissent pas faire, trahissent la pensée, échouent là où on ne les attendait pas… même si l’écriture est quotidienne.
Pour d’autres, penchés sur leur feuille, le crayon ne court pas aussi vite que la pensée et ce qui est difficile, c’est d’avoir le temps de tout mettre sur le papier. Le rythme est comme une respiration tendue, hachée, tous envient Stéphane dont l’écriture est incisive et truculente. Quand il faut se lever pour aller dire au micro les mots qu’on a livrés à son papier, c’est une épreuve pour certains, une fierté pour d’autres. Ce qui est sûr, c’est que l’émotion est là. La voix dans le micro est parfois basse et sourde, parfois sonnante et claire. Parfois, il n’y a pas de voix du tout. Mais jamais, on n’a manqué de respect à celui ou celle qui n’a pas pu écrire. Raoul et Stéphane pratiquent l’écriture avec délectation et un plaisir perceptible et partagé.
Sur les temps du midi, les heures de permanence, Raoul et Stéphane ont rencontré les élèves un par un. Ils les ont écoutés et au fil du temps, les élèves se sont racontés. Je ne me souviens pas d’adultes qui ont, comme eux, pris le temps d’écouter la parole d’adolescents.
Et puis il y a eu des moments qui faisaient la part belle à la technique : prise d’images, projections, jeu de fumée derrière les vitres de la galerie. La machine se complexifie. Chacun sait que cette matière permettra de réaliser le spectacle de « la vie en ligne ».
Ce qui rappelle un autre spectacle « la cour des grands ». Un spectacle qui a permis de mesurer le talent de Raoul et Stéphane ! Que d’émotions entre les voix d’enfants, les animations de marionnettes, les montages ingénieux, les détournements d’objets, les effets sonores ! Tout le monde est resté ébahi devant la qualité plastique et sonore du travail !
Thérèse Strohelou »