Les telluriques

En enter­rant des images noires sur film dia­po­si­tive, je pro­pose à la terre de fécon­der une nou­velle image en atta­quant une à une les couches de géla­tine rouge, verte et bleue. Dans cet acte, je ne contrôle que la période d’in­cu­ba­tion. Je sème une graine, et j’at­tends qu’elle germe sans savoir quelle plante va pous­ser.

Il y a de l’é­tin­celle, du feu du ventre de Gaïa, de ces éblouis­se­ments qui jaillissent. Ce qui est arri­vé de cette fer­ti­li­té, ce qui se cris­tal­lise sur le film n’est plus l’i­mage ima­gi­née dans le boî­tier et révé­lée à la lumière du labo, mais l’i­ni­ma­gi­né rêvé in vitro. Quelque chose qui m’é­chappe. De l’en­se­ve­lis­se­ment est née une image comme un cri. Elle est vivante. Elle bouge. Elle se gran­dit du rayon de la pro­jec­tion lumi­neuse. Je l’i­ma­gine immense et si petite pour­tant.

Aucune figure, aucune vue de l’es­prit humain ne s’y décèlent. Et cepen­dant elles sont nées d’un acte très concret, chi­mique et presque méca­nique. Le mariage qui a don­né lieu à leur nais­sance est en soi un mys­tère.

Elles sont la terre et le ciel. La lumière qui tra­verse. Le temps qui trans­porte. Elles sont l’éner­gie du noyau. La cel­lule micro­sco­pique et le trou noir cos­mo­go­nique. La fibre végé­tale. La struc­ture miné­rale. Le tis­su orga­nique. La racine de l’ou­bli. La veine régé­né­ra­trice. Elles naissent du silence, défient l’ab­sence de l’homme, fondent le mou­ve­ment de la vie.

Ce tra­vail pho­to­gra­phique expé­ri­men­tal a été enta­mé en 2000.

Photographies